Je m’appelle Wendy Preskow et voici mon histoire.
Il y a 20 ans, le terme d’aidant naturel ne faisait pas partie de mon vocabulaire et n’était pas aussi courant qu’aujourd’hui. Lorsqu’on entend parler d’aidant naturel, on pense souvent aux adultes qui s’occupent de leurs parents âgés. Je viens d’un groupe d’aidants naturels complètement différent, qu’on ne connaît peu, voire pas du tout.
Mon parcours d’aidante naturelle a commencé en 1999. J’étais loin de me douter que notre plus jeune fille, âgée de presque 15 ans à l’époque, luttait contre des problèmes d’estime de soi et d’anxiété. L’anorexie et la boulimie prenaient alors rapidement le contrôle de son corps et de son esprit et dévastaient le reste de notre famille.
Quand elle a commencé à être malade, son amie du secondaire est venue me voir pour me dire qu’elle jetait son lunch le midi. À la même époque, elle est devenue végétarienne, a commencé à cuisiner et à demander des « aliments sains », en plus d’adopter des habitudes alimentaires étranges. Sa personnalité et son caractère ont commencé à changer.
« On fait quoi maintenant ? », me suis-je alors demandé.
À l’époque, nous étions si naïfs et nous ne savions pas que nous allions être pris dans le tourbillon d’une maladie inconnue. Nous n’avions aucune idée vers quoi nous nous dirigions.
Je me souviens de mon mari traversant frénétiquement le centre-ville de Toronto pour se rendre au National Eating Disorder Information Centre (Centre national d’information sur les troubles de l’alimentation) afin d’obtenir le nom de thérapeutes, de médecins, de diététiciens, de nutritionnistes… de quelqu’un que nous pouvions appeler ou à qui nous pouvions demander de l’aide. Google n’existait pas encore, et l’Internet en était à ses débuts.
Au début de sa maladie, j’ai attendu avec impatience de participer à un groupe de soutien hebdomadaire pour les mamans à Sheena’s Place… un programme qui sauve des vies.
Je me souviens très bien quand l’animateur a demandé aux personnes présentes de raconter depuis combien de temps et à quel point leur fille était malade. Certaines ont répondu depuis trois, cinq, voire même dix ans.
Je me souviens m’être dit : « Pas nous. Après un an, tout sera fini ». Malheureusement, cela n’a pas été mon cas et je suis devenue l’une de ces mères. Et finalement la boulimie a fait son horrible chemin dans son âme elle aussi.
Au fil des ans, nous avons vécu tous les types de situations de vie et un éventail d’émotions. De l’amour ferme à l’amour inconditionnel.
Jamais, dans nos rêves (ou nos cauchemars) les plus fous, nous n’aurions pensé être entraînés sur ce sombre chemin avec notre fille qui avait tout ce qu’un enfant peut désirer. Nous étions des parents aimants faisant raisonnablement tout ce que nous pouvions pour elle et ses frères et sœurs plus âgés. Nous avons même déménagé dans l’espoir d’améliorer nos vies en lui donnant de l’intimité au sous-sol.
En 2016, je l’ai emmenée à l’urgence plus de vingt fois pour être réhydratée, à sa demande. Je la déposais devant l’hôpital et elle m’appelait quand elle avait fini. J’étais au bout du rouleau.
Mon seul répit pendant tout ce temps était de savoir qu’au moins elle était en sécurité à l’hôpital, car elle était trop malade pour s’enfuir et des gens veillaient sur elle. J’étais « libre » pendant quelques heures. Imaginez ce que ça fait de penser comme ça.
L’un des principaux changements que nous avons apportés à notre mode de vie, avec son accord, est de mettre des verrous sur notre congélateur et les armoires de cuisine. Il n’y a que les épices et les condiments qui ne sont pas fermés à clé. C’est encore notre quotidien.
Il est impossible de condenser dans un seul article vingt ans de vie avec ce fléau. Mais cela suffit à dresser un tableau sombre de la vie que ma famille, et surtout mon mari et moi, avons dû vivre. Nous avons été touchés émotionnellement et financièrement. Quand son nom apparaît sur nos téléphones portables, nos coeurs se serrent et nous avons un moment de panique.
Mais il y a de bonnes nouvelles. Après 20 ans, notre fille a finalement commencé à remonter la pente dans sa vie.
Nous commençons enfin à sentir que toute notre force et notre amour, ainsi que sa volonté d’avoir une vie, étouffent les voix de sa maladie mentale.
Bien que le stress et les soucis ne nous quitteront jamais, nous avons aussi, au cours des dernières années, reconstruit notre vie de couple et continuons à vivre et à essayer de profiter de la vie, ce que nous faisons, et je dis merci à la vie tous les jours.
Voici mes conseils pour les autres aidants naturels, peu importe VOTRE âge
- Vous n’êtes pas seul
- Votre histoire est unique, alors parlez-en. Il faut du temps et de la force, mais faites-le.
- Garder le silence n’aide personne.
- Obtenez de l’aide pour vous aider à mieux comprendre cette maladie mentale complexe.
- Laissez aller les personnes négatives qui ne souhaitent pas vous aider ou qui vous nuisent, même les membres de votre famille.
- Faites de votre mieux pour apprécier ce que vous avez.
- Obtenez de l’aide médicale au besoin : les jours, les semaines, les mois et les années peuvent peser lourd sur votre bien-être.
- C’est correct de se défouler et de se fâcher.
Wendy Preskow est la fondatrice de l’Initiative nationale pour les troubles de l’alimentation (INTA) (www.nied.ca), un organisme à but non lucratif entièrement bénévole qui se consacre à la sensibilisation, à la compréhension et à l’action au nom des personnes souffrant de troubles de l’alimentation, de leurs aidants naturels et de leurs proches. Elle est également membre du groupe de travail sur la santé mentale de l’OSANO.